prit. Nous fournissons à son intelligence un aliment qui n’est pas le pain du peuple.
Reprochez-vous à M. Binder de ne point fabriquer d’omnibus ? Est-il coupable parce qu’il ne confectionne que des voitures de luxe pour les gens riches ?
Et encore, cette comparaison n’est pas juste, car le romancier pourrait être utile au peuple si le peuple savait le comprendre et l’interpréter.
On ne peut nous demander qu’une chose : le talent. Si nous n’en avons pas, nous sommes tout juste bons à fusiller ; si nous en avons, il est de notre devoir de l’employer uniquement pour les gens les plus cultivés, qui sont seuls juges de nos mérites, et non pour les plus grossiers, à qui notre art est inconnu.
Mais, si le peuple était capable de lire les romanciers, les vrais romanciers, il y pourrait trouver le plus utile des enseignements, la science de la vie. Tout l’effort littéraire aujourd’hui tend à pénétrer la nature humaine et à l’exprimer telle qu’elle est, à l’expliquer dans les limites de la stricte vérité.
Quel service plus grand peut-on rendre à un pays que de lui apprendre ce que sont les hommes, à quelque classe qu’ils appartiennent, de lui apprendre à se connaître lui-même ?