Page:Maupassant - Amoureux et Primeurs, paru dans Le Gaulois, 30 mars 1881.djvu/10

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dirigeait la table du prince, alors que les onze autres parcouraient le monde en quête de plats inconnus, de combinaisons nouvelles, d’accommodements inaccoutumés.

Il entretenait ainsi parmi eux une émulation constante.

La gourmandise a sur l’amour mille avantages. Mais le plus important, c’est qu’il importe d’être deux pour s’abandonner à celui-ci ; tandis qu’on pratique celle-là tout seul, bien que l’abbé Morellet ait dit : « Pour manger une dinde truffée, il faut être deux : la dinde et soi. »

Un autre gourmet, Montmaur, soupant avec des amis, se trouvait tellement incommodé par leurs plaisanteries bruyantes, qu’il les fit taire brusquement en s’écriant : « Eh ! messieurs, un peu de silence, on ne sait pas ce qu’on mange. » C’est qu’en effet, pour bien apprécier la saveur des choses, il faut dîner avec des