Page:Maupassant - Boule de suif.djvu/183

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Une Soirée


Le maréchal des logis Varajou avait obtenu huit jours de permission pour les passer chez sa sœur, Mme  Padoie. Varajou, qui tenait garnison à Rennes et y menait joyeuse vie, se trouvant à sec et mal avec sa famille, avait écrit à sa sœur qu’il pourrait lui consacrer une semaine de liberté. Ce n’est point qu’il aimât beaucoup Mme  Padoie, une petite femme moralisante, dévote, et toujours irritée ; mais il avait besoin d’argent, grand besoin, et il se rappelait que, de tous ses parents, les Padoie étaient les seuls qu’il n’eût jamais rançonnés.

Le père Varajou, ancien horticulteur à Angers, retiré maintenant des affaires, avait fermé sa bourse à son garnement de fils et ne le voyait guère depuis deux ans. Sa fille avait épousé Padoie, ancien employé des finances, qui venait d’être nommé receveur des contributions à Vannes. Donc Varajou, en descendant du chemin de fer, se fit conduire à la maison de son beau-frère. Il le trouva dans son bureau, en train de discuter avec des paysans bretons des environs. Padoie se souleva sur sa chaise, tendit la main par-dessus sa table chargée de papiers, murmura :