Page:Maupassant - Boule de suif.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Alors elle parla de la société de Vannes, de l’excellente société où les Padoie étaient reçus avec considération, grâce à leurs sentiments religieux.

Puis on servit des pommes de terre en purée, avec un plat de charcuterie, en l’honneur du nouveau venu.

Puis du fromage. C’était fini. Pas de café.

Quand Varajou comprit qu’il devait passer la soirée en tête-à-tête avec sa sœur, subir ses reproches, écouter ses sermons, sans avoir même un petit verre à laisser couler dans sa gorge pour faire glisser les remontrances, il sentit bien qu’il ne pourrait pas supporter ce supplice, et il déclara qu’il devait aller à la gendarmerie pour faire régulariser quelque chose sur sa permission.

Et il se sauva, dès sept heures.

À peine dans la rue, il commença par se secouer comme un chien qui sort de l’eau. Il murmurait : « Nom d’un nom, d’un nom, d’un nom, quelle corvée ! »

Et il se mit à la recherche d’un café, du meilleur café de la ville. Il le trouva sur une place, derrière deux becs de gaz. Dans l’intérieur, cinq ou six hommes, des demi-messieurs peu bruyants, buvaient et causaient doucement, accoudés sur de petites tables, tandis que deux joueurs de billard marchaient autour du tapis vert ou roulaient les billes en se heurtant.

On entendait leur voix compter : « Dix-huit, — dix-neuf. — Pas de chance. — Oh ! joli coup ! bien joué ! — Onze. — Il fallait prendre par la rouge. — Vingt. — Bille en tête, bille en tête. — Douze. Hein ! j’avais raison ? »

Varajou commanda : « Une demi-tasse et un carafon de fine, de la meilleure. »