Page:Maupassant - Chez le ministre (extrait de Gil Blas, édition du 1883-01-09).djvu/10

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Eh bien, mes frères, il ne faut pas en vouloir aux ministres de ces étranges fantaisies. Répétons seulement la parole sainte : « Pardonnez-leur, ô maître, car ils ne savent ce qu’ils font. »



Voici pourtant que le susnommé M. Duvaux vient d’accomplir une chose bien extraordinaire. Parmi les étrangers qui lui étaient présentés, il en a piqué un au hasard de la fourchette et il est tombé sur un homme de grand talent, M. José-Maria de Heredia, pas l’ex-conseiller municipal.

Le ministre ne s’en doutait certes guère, car M. de Heredia n’a publié jusqu’ici qu’une préface fort remarquable, sans doute, mais insuffisante à constituer ce qu’on appelle un bagage littéraire.

Mais le poète, car Heredia est poète, monsieur le ministre, tout comme MM. Silvestre et Catulle Mendès, le poète possède en ses cartons une centaine de sonnets qui peuvent être classés parmi les plus belles choses de la langue française. Je suis bien aise d’en pouvoir faire connaître un au grand maître de l’Université, en le félicitant sincèrement de son choix :


LES CONQUÉRANTS


Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.