Page:Maupassant - Chez le ministre (extrait de Gil Blas, édition du 1883-01-09).djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peliers qui peuvent donner des chapeaux, les restaurateurs qui peuvent donner des dîners, les journalistes qui peuvent donner un coup d’épaule, mais jamais les simples hommes de lettres qui ne peuvent rien donner du tout.

Ce sont là des calomnies, je pense.

Pour les journalistes, la question est spéciale. On décore les journalistes qui rendent des services au pouvoir, comme on décore les employés de ministère qui ont rendu des services à l’administration.

On récompense de fidèles serviteurs, voilà tout. La question de talent n’a rien à voir là-dedans. On vient de donner la croix à M. Laffitte, qui l’a certes méritée par ses bons offices envers le gouvernement, mais qui n’avait assurément pas la prétention de l’obtenir par ses mérites d’écrivain.

On reste parfois stupéfait de voir le ruban rouge sur certaines poitrines ; et on se dit : « Comment, X… est décoré, alors que Wolff et Chapron ne le sont pas ? »

Et voilà la preuve que le talent ne compte pour rien en cette question. Écartons M. Wolff comme rédacteur d’un journal réactionnaire. Pourquoi M. Chapron n’est-il pas chevalier ? Pourquoi ? Parce qu’il est un indépendant et nullement un officieux.

Je me hâte d’ajouter que le hasard des distributions a fait quelquefois aussi tomber cet emblème sur des journalistes