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L’ENFANT.

ne le sais plus ! L’ai-je étreint, embrassé ? Peut-être. Vous connaissez ma misère et ma honte. Enfin il m’a possédée ! Je suis coupable, car je me suis encore donnée le lendemain de la même façon et d’autres fois encore. C’était fini. Je ne savais plus résister !…

Elle eut dans la gorge un sanglot, puis reprit d’une voix fière :

— Je le payais, je préférais cela à l’amant que vous me conseilliez de prendre. Il m’a rendue grosse. Oh ! je me confesse à vous sans réserve et sans hésitations. J’ai essayé de me faire avorter. J’ai pris des bains brûlants, j’ai monté des chevaux difficiles, j’ai fait du trapèze, j’ai bu des drogues, de l’absinthe, du safran, d’autres encore. Mais je n’ai point réussi. Vous connaissez mon père, mes frères ? Je suis perdue. Ma sœur est mariée à un honnête homme. Ma honte aussi rejaillira sur eux. Et songez à tous nos amis, à tous nos voisins, à notre nom…, ma mère…

Elle se mit à sangloter. Je lui pris les mains et je l’interrogeai. Puis je lui donnai le conseil de faire un long voyage et d’aller accoucher au loin.

Elle répondait : « Oui… oui… oui… c’est cela…, sans avoir l’air d’écouter.

Puis elle partit.

J’allai la voir plusieurs fois. Elle devenait