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EN VOYAGE.

dans votre chambre sans avoir sous les yeux le paysage du drame.


C’était au printemps de l’une des dernières années. Deux petits garçons venaient souvent jouer au bord de cette citerne, tandis que leur précepteur lisait quelque livre, couché sous un arbre. Or, par une chaude après-midi, un cri vibrant réveilla l’homme qui sommeillait, et un bruit d’eau jaillissant sous une chute le fit se dresser brusquement. Le plus jeune des enfants, âgé de onze ans, hurlait, debout près du bassin, dont la nappe, remuée, frémissait, refermée sur l’aîné qui venait d’y tomber en courant le long de la corniche de pierre.

Éperdu, sans rien attendre, sans réfléchir aux moyens, le précepteur sauta dans le gouffre, et ne reparut pas, s’étant heurté le crâne au fond.

Au même moment, le jeune garçon, revenu sur l’eau, agitait les bras tendus vers son frère. Alors, l’enfant, resté sur terre, se coucha, s’allongea, tandis que l’autre essayait de nager, d’approcher du mur, et bientôt les quatre petites mains se saisirent, se serrèrent, crispées, liées ensemble. Ils eurent tous deux la joie aiguë de la vie sauvée, le tressaillement du péril passé.

Et l’aîné essayait de monter, mais il n’y