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L’un d’eux même lui demanda : « C’est votre enseigne monsieur le curé ? » Et il montrait nos antiques parents éternellement immobiles en leur libre attitude.

Le prêtre s’enfuit, humilié jusqu’aux larmes, blessé jusqu’au cœur, se disant qu’en effet son église portait au front un emblème de honte, comme un mauvais lieu.

Et il alla trouver le maire, qui dirigeait le conseil de fabrique.

Ce maire était libre-penseur.

Je laisse à deviner quels furent les arguments du prêtre et les réponses du citoyen.

Éperdu, l’ecclésiastique implorait, suppliait, pour que l’autorité civile permît seulement qu’on diminuât un peu notre père Adam, rien qu’un peu, une simple modification à la turque. Cela ne gâterait rien, au contraire. Le conservateur des monuments historiques n’y verrait que du feu, d’ailleurs.

Le maire fut inflexible, et il congédia le desservant en le traitant de rétrograde.

Le dimanche suivant, la population stupéfaite s’aperçut qu’Adam portait un pantalon. Oui, un pantalon de drap, ajusté avec soin au moyen de cire à cacheter. De la sorte, le monument et le premier homme restaient intacts, et la pudeur était sauve.

Mais le fonctionnaire civil fit un bond de fureur et il enjoignit au garde champêtre de déculotter notre ancêtre. Ce qui fut fait au milieu des paroissiens égayés.

Alors le curé écrivit à l’évêque, l’évêque au conservateur. Ce dernier ne céda pas.


*


Mais voici qu’une retraite allait être prêchée dans le village en l’honneur d’un Saint guérisseur dont la statue miraculeuse était exposée dans le chœur de l’église ; et cette fois le curé ne pouvait