Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/287

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cerner. Pour couper la retraite à l’espion, un de ces détachements avait à faire une marche d’une heure au moins. Un homme resté en observation sur les murs m’indiqua par signe que l’être aperçu n’avait point quitté le champ. Nous allions en grand silence, rampant, presque couchés dans les ornières. Enfin, nous touchons au point désigné ; je déploie brusquement mes soldats, qui s’élancent dans la vigne, et trouvent… Tombouctou voyageant à quatre pattes au milieu des ceps et mangeant du raisin, ou plutôt happant du raisin comme un chien qui mange sa soupe, à pleine bouche, à la plante même, en arrachant la grappe d’un coup de dent.

Je voulus le faire relever ; il n’y fallait pas songer, et je compris alors pourquoi il se traînait ainsi sur les mains et sur les genoux. Dès qu’on l’eût planté sur ses jambes, il oscilla quelques secondes, tendit les bras et s’abattit sur le nez. Il était gris comme je n’ai jamais vu un homme être gris.

On le rapporta sur deux échalas. Il ne cessa