Page:Maupassant - Contes du jour et de la nuit 1885.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la nature même, une indignation irraisonnée, contre cette œuvre brutale, infâme de destruction.

Je la regardais effaré. Puis je lui pris la main ; et des larmes me montèrent aux yeux. Je pleurais sa jeunesse, je pleurais sa mort. Car je ne connaissais point cette grosse dame.

Elle, émue aussi, balbutia :

— Je suis bien changée, n’est-ce pas ? Que voulez-vous, tout passe. Vous voyez, je suis devenue une mère, rien qu’une mère, une bonne mère. Adieu le reste, c’est fini. Oh ! je pensais bien que vous ne me reconnaîtriez pas, si nous nous rencontrions jamais. Vous aussi, d’ailleurs, vous êtes changé ; il m’a fallu quelque temps pour être sûre de ne me point tromper. Vous êtes devenu tout blanc. Songez. Voici douze ans ! Douze ans ! Ma fille aînée a dix ans déjà.

Je regardai l’enfant. Et je retrouvai en elle quelque chose du charme ancien de sa mère, mais quelque chose d’indécis encore, de peu