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12 décembre.


Nous partons au point du jour. L’aurore est rose, d’un rose intense. Comment l’exprimer ? je dirais saumonée si cette note était plus brillante. Vraiment nous manquons de mots pour faire passer devant les yeux toutes les combinaisons des tons. Notre regard, le regard moderne, sait voir la gamme infinie des nuances. Il distingue toutes les unions de couleurs entre elles, toutes les dégradations qu’elles subissent, toutes leurs modifications sous l’influence des voisinages, de la lumière, des ombres, des heures du jour. Et pour dire ces milliers de subtiles colorations, nous avons seulement quelques mots, les mots simples qu’employaient nos pères afin de raconter les rares émotions de leurs yeux naïfs.

Regardons les étoffes nouvelles. Combien de tons inexprimables entre les tons principaux ! Pour les évoquer, on ne peut se servir que de comparaisons qui sont toujours insuffisantes.

Ce que j’ai vu, ce matin-là, en quelques minutes, je ne saurais, avec des verbes, des noms et des adjectifs, le faire voir.