Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/20

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gens d’organisme grossier, est-ce un bonheur ou un malheur ?

Je l’ignore ; mais, si le système nerveux n’est pas sensible jusqu’à la douleur ou jusqu’à l’extase, il ne nous communique que des commotions moyennes, et des satisfactions vulgaires.

Cette brume de la mer me caressait, comme un bonheur. Elle s’étendait sur le ciel, et je regardais avec délices les étoiles enveloppées de ouate, un peu pâlies dans le firmament sombre et blanchâtre. Les côtes avaient disparu derrière cette vapeur qui flottait sur l’eau et nimbait les astres.

On eût dit qu’une main surnaturelle venait d’empaqueter le monde, en des nuées fines de coton, pour quelque voyage inconnu.

Et tout à coup, à travers cette ombre neigeuse, une musique lointaine venue on ne sait d’où, passa sur la mer. Je crus qu’un orchestre aérien errait dans l’étendue pour me donner un concert. Les sons affaiblis, mais clairs, d’une sonorité charmante, jetaient par la nuit douce un murmure d’opéra.

Une voix parla près de moi.

« Tiens, disait un marin, c’est aujourd’hui