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en famille

la pensée même le faisait trembler : — « Il faut aussi prévenir au ministère, » dit-il. Elle répondit : — « Pour quoi prévenir ? Dans des occasions comme ça, on est toujours excusable d’avoir oublié. Ne préviens pas, crois-moi ; ton chef ne pourra rien dire et tu le mettras dans un rude embarras. » — « Oh ! ça, oui, dit-il, et dans une fameuse colère quand il ne me verra point venir. Oui, tu as raison, c’est une riche idée. Quand je lui annoncerai que ma mère est morte, il sera bien forcé de se taire. »

Et l’employé, ravi de la farce, se frottait les mains en songeant à la tête de son chef, tandis qu’au-dessus de lui le corps de la vieille gisait à côté de la bonne endormie.

Mme Caravan devenait soucieuse, comme obsédée par une préoccupation difficile à dire. Enfin elle se décida : — « Ta mère t’avait bien donné sa pendule, n’est-ce pas, la jeune fille au bilboquet ? » Il chercha dans sa mémoire et répondit : — « Oui, oui ; elle m’a dit (mais il y a longtemps de cela, c’est quand elle est venue ici), elle m’a dit : Ce sera pour toi, la pendule, si tu prends bien soin de moi. »

Mme Caravan tranquillisée se rasséréna : – Alors, vois-tu, il faut aller la chercher, parce que, si nous laissons venir ta sœur, elle nous empêchera de la prendre. » Il hésitait : — « Tu crois ?… » Elle se fâcha : — « Certainement que je le crois ; une fois ici, ni vu ni connu : c’est à nous. C’est comme pour la commode de sa chambre, celle qui a un marbre : elle me l’a donnée, à