Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/177

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M. Beaurain, qui regardait ses pieds avec confusion, ne répondit pas.

Elle reprit :

— Alors il a compris que j’étais sage, ce garçon, et il s’est mis à me faire la cour gentiment, en honnête homme. Depuis ce jour il est revenu tous les dimanches. Il était très amoureux de moi, monsieur. Et moi aussi je l’aimais beaucoup, mais là, beaucoup ! c’était un beau garçon, autrefois.

Bref, il m’épousa en septembre et nous prîmes notre commerce rue des Martyrs.

Ce fut dur pendant des années, monsieur. Les affaires n’allaient pas ; et nous ne pouvions guère nous payer des parties de campagne. Et puis, nous en avions perdu l’habitude. On a autre chose en tête ; on pense à la caisse plus qu’aux fleurettes, dans le commerce. Nous vieillissions, peu à peu, sans nous en apercevoir, en gens tranquilles qui ne pensent plus guère à l’amour. On ne regrette rien tant qu’on ne s’aperçoit pas que ça vous manque.

Et puis, monsieur, les affaires ont mieux été, nous nous sommes rassurés sur l’avenir ! Alors, voyez-vous, je ne sais pas trop ce qui s’est passé en moi, non, vraiment, je ne sais pas !

Voilà que je me suis remise à rêver comme