Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/249

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L’ouvrier dit : « Faites-moi donner à manger, au moins. »

L’autre fut indigné : « Il ne manquerait plus que de vous nourrir ! Ah ! ah ! ah ! elle est forte celle-là ! »

Mais Randel reprit avec fermeté : « Si vous me laissez encore crever de faim, vous me forcerez à faire un mauvais coup. Tant pis pour vous autres, les gros. »

Le maire s’était levé, et il répéta :

— Emmenez-le vite, parce que je finirais par me fâcher.

Les deux gendarmes saisirent donc le charpentier par les bras et l’entraînèrent. Il se laissa faire, retraversa le village, se retrouva sur la route ; et les hommes l’ayant conduit à deux cents mètres de la borne kilométrique, le brigadier déclara :

— Voilà, filez et que je ne vous revoie point dans le pays, ou bien vous aurez de mes nouvelles.

Et Randel se mit en route sans rien répondre, et sans savoir où il allait. Il marcha devant lui un quart d’heure ou vingt minutes, tellement abruti qu’il ne pensait plus à rien.

Mais soudain, en passant devant une petite maison dont la fenêtre était entr’ouverte une odeur de pot-au-feu lui entra dans la poitrine et l’arrêta net, devant ce logis.