Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/41

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de rentrer qui vous oppresse, quand on a laissé au logis un malade aimé, et que le pressentiment vous saisit d’une aggravation de son mal.

Donc, je revins malgré moi, sûr que j’allais trouver, dans ma maison, une mauvaise nouvelle, une lettre ou une dépêche. Il n’y avait rien ; et je demeurai plus surpris et plus inquiet que si j’avais eu de nouveau quelque vision fantastique.

8 août. — J’ai passé hier une affreuse soirée. Il ne se manifeste plus, mais je le sens près de moi, m’épiant, me regardant, me pénétrant, me dominant et plus redoutable, en se cachant ainsi, que s’il signalait par des phénomènes surnaturels sa présence invisible et constante.

J’ai dormi, pourtant.

9 août. — Rien, mais j’ai peur.

10 août. — Rien ; qu’arrivera-t-il demain ?

11 août. — Toujours rien ; je ne puis plus rester chez moi avec cette crainte et cette pensée entrées en mon âme ; je vais partir.

12 août, 10 heures du soir. — Tout le jour j’ai voulu m’en aller ; je n’ai pas pu. J’ai voulu accomplir cet acte de liberté si facile, si simple, — sortir — monter dans ma voiture pour gagner Rouen — je n’ai pas pu. Pourquoi ?