Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/80

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Quand j’arrive à mon trou, il était pris ! Jamais ça n’était arrivé, m’sieu l’président, jamais depuis trois ans ! Ça m’a fait un effet comme si on me dévalisait sous mes yeux. Je dis : « Nom d’un nom, d’un nom, d’un nom ! » Et v’là ma femme qui commence à me harceler. « Hein, ton casque à mèche ! Va donc, soûlot ! Es-tu content, grande bête.»

Je ne disais rien ; c’était vrai, tout ça.

Je débarque tout de même près de l’endroit pour tâcher de profiter des restes. Et peut-être qu’il ne prendrait rien c’t'homme ? et qu’il s’en irait.

C’était un petit maigre, en coutil blanc, avec un grand chapeau de paille. II avait aussi sa femme, une grosse qui faisait de la tapisserie derrière lui.

Quand elle nous vit nous installer près du lieu, v’là qu’elle murmure :

— Il n’y a donc pas d’autre place sur la rivière ?

Et la mienne, qui rageait, de répondre :

— Les gens qu’ont du savoir-vivre s’informent des habitudes d’un pays avant d’occuper les endroits réservés.

Comme je ne voulais pas d’histoires, je lui dis :

— Tais-toi, Mélie. Laisse faire, laisse faire, nous verrons bien.