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LE MARQUIS DE FUMEROL

Nous discutions à voix basse depuis une demi-heure peut-être, quand un grand bruit de meubles remués et des cris poussés par mon oncle, plus véhéments et plus terribles encore que les premiers, nous firent nous dresser tous les quatre.

Nous entendions à travers les portes et les cloisons : « Dehors… dehors… manants… cuistres… dehors, gredins… dehors… dehors. »

Mélanie se précipita, puis revint aussitôt m’appeler à l’aide. J’accourus. En face de mon oncle soulevé par la colère, presque debout et vociférant, deux hommes, l’un derrière l’autre, semblaient attendre qu’il fût mort de fureur.

À sa longue redingote ridicule, à ses longs souliers anglais, à son air d’instituteur sans place, à son col droit et à sa cravate blanche, à ses cheveux plats, à sa figure humble de faux prêtre d’une religion bâtarde, je reconnus aussitôt le premier pour un pasteur protestant.

Le second était le concierge de la maison qui, appartenant au culte réformé, nous avait suivis, avait vu notre défaite, et avait couru chercher son prêtre à lui, dans l’espoir d’un meilleur sort.

Mon oncle semblait fou de rage ! Si la vue du prêtre catholique, du prêtre de ses ancêtres, avait irrité le marquis de Fumerol devenu libre-penseur, l’aspect du ministre de son portier le mettait tout à fait hors de lui.

Je saisis par les bras les deux hommes et je les