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LE SIGNE

un qui fût bien, très bien. Tout à coup je vois venir un grand blond, très joli garçon. J’aime les blonds, tu sais.

« Je le regarde. Il me regarde. Je souris ; il sourit ; je fais le geste ; oh ! à peine, à peine ; il répond « oui » de la tête et le voilà qui entre, ma chérie ! Il entre par la grande porte de la maison.

« Tu ne te figures pas ce qui s’est passé en moi à ce moment-là ! J’ai cru que j’allais devenir folle. Oh ! quelle peur ! Songe, il allait parler aux domestiques ! À Joseph qui est tout dévoué à mon mari ! Joseph aurait cru certainement que je connaissais ce monsieur depuis longtemps.

« Que faire ? dis ? Que faire ? Et il allait sonner, tout à l’heure, dans une seconde. Que faire, dis ? J’ai pensé que le mieux était de courir à sa rencontre, de lui dire qu’il se trompait, de le supplier de s’en aller. Il aurait pitié d’une femme, d’une pauvre femme ! Je me précipite donc à la porte et je l’ouvre juste au moment où il posait la main sur le timbre.

« Je balbutiai, tout à fait folle : « Allez-vous-en, Monsieur, allez-vous-en, vous vous trompez, je suis une honnête femme, une femme mariée. C’est une erreur, une affreuse erreur ; je vous ai pris pour un de mes amis à qui vous ressemblez beaucoup. Ayez pitié de moi, Monsieur. »

« Et voilà qu’il se met à rire, ma chère, et il