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LES ROIS

même temps un grand bonheur et un grand honneur que vous leur faites.

J’aperçus le curé, resté dans l’ombre du couloir et qui riait de tout son cœur. À mon tour, je me mis à rire, en regardant surtout la tête de Marchas. Puis montrant des sièges à la religieuse :

— Asseyez-vous, ma Sœur ; nous sommes très fiers et très heureux que vous ayez accepté notre modeste invitation.

Elle prit trois chaises contre le mur, les aligna devant le feu, y conduisit ses trois bonnes femmes, les plaça dessus, leur ôta leurs cannes et leurs châles, qu’elle alla déposer dans un coin ; puis, désignant la première, une maigre à ventre énorme, une hydropique assurément :

— Celle-là est la mère Paumelle, dont le mari s’est tué en tombant d’un toit, et dont le fils est mort en Afrique. Elle a soixante-douze ans.

Puis elle désigna la seconde, une grande dont la tête tremblait sans cesse :

— Celle-là est la mère Jean-Jean, âgée de soixante-sept ans. Elle n’y voit plus guère, ayant eu la figure flambée dans un incendie et la jambe droite brûlée à moitié.

Elle nous montra, enfin, la troisième, une espèce de naine, avec des yeux saillants, qui roulaient de tous les côtés, ronds et stupides.

— C’est la Putois, une innocente. Elle est âgée de quarante-quatre ans seulement.