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JOSEPH

imbéciles… mais c’est nous qui choisissons… toujours… Songe donc, quand on n’est pas laide, et pas sotte, comme nous, tous les hommes sont des prétendants, tous, sans exception. Nous, nous les passons en revue du matin au soir, et quand nous en avons visé un, nous l’amorçons…

— Ça ne me dit pas comment tu fais ?

— Comment je fais ?… mais je ne fais rien. Je me laisse regarder, voilà tout.

— Tu te laisses regarder ?…

— Mais oui. Ça suffit. Quand on s’est laissé regarder plusieurs fois de suite, un homme vous trouve aussitôt la plus jolie et la plus séduisante de toutes les femmes. Alors il commence à vous faire la cour. Moi, je lui laisse comprendre qu’il n’est pas mal, sans rien dire, bien entendu ; et il tombe amoureux comme un bloc. Je le tiens. Et ça dure plus ou moins, selon ses qualités.

— Tu prends comme ça tous ceux que tu veux ?

— Presque tous.

― Alors, il y en a qui résistent ?

— Quelquefois.

— Pourquoi ?

— Oh ! pourquoi ? On est Joseph pour trois raisons. Parce qu’on est très amoureux d’une autre. Parce qu’on est d’une timidité excessive et parce qu’on est… comment dirai-je ?… incapable de mener jusqu’au bout la conquête d’une femme…