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JOSEPH

— Oui, ça m’amusait même beaucoup. On dit que les domestiques, ça ne compte pas ! Eh bien, il ne comptait point. Je le sonnais pour les ordres chaque matin quand ma femme de chambre m’habillait, et aussi chaque soir quand elle me déshabillait.

— Oh ! Andrée !

— Ma chère, il a flambé comme un toit de paille. Alors, à table, pendant les repas, je n’ai plus parlé que de propreté, de soins du corps, de douches, de bains. Si bien qu’au bout de quinze jours il se trempait matin et soir dans la rivière, puis se parfumait à empoisonner le château. J’ai même été obligée de lui interdire les parfums, en lui disant, d’un air furieux, que les hommes ne devaient jamais employer que l’eau de Cologne.

— Oh ! Andrée !

— Alors, j’ai eu l’idée d’organiser une bibliothèque de campagne. J’ai fait venir quelques centaines de romans moraux que je prêtais à tous nos paysans et à mes domestiques. Il s’était glissé dans ma collection quelques livres… quelques livres… poétiques… de ceux qui troublent les âmes… des pensionnaires et des collégiens… Je les ai donnés à mon valet de chambre. Ça lui a appris la vie… une drôle de vie.

— Oh ! Andrée !

— Alors je suis devenue familière avec lui, je