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l’auberge

mais soudain il tressaillit, quelqu’un grattait le mur en pleurant.

Il cria éperdu : « Va-t-en ! » Une plainte lui répondit, longue et douloureuse.

Alors tout ce qui lui restait de raison fut emporté par la terreur. Il répétait « Va-t-en » en tournant sur lui-même pour trouver un coin où se cacher. L’autre pleurant toujours, passait le long de la maison en se frottant contre le mur. Ulrich s’élança vers le buffet de chêne plein de vaisselle et de provisions, et, le soulevant avec une force surhumaine, il le traîna jusqu’à la porte, pour s’appuyer d’une barricade. Puis, entassant les uns sur les autres tout ce qui restait de meubles, les matelas, les paillasses, les chaises, il boucha la fenêtre comme on fait lorsqu’un ennemi vous assiège.

Mais celui du dehors poussait maintenant de grands gémissements lugubres auxquels le jeune homme se mit à répondre par des gémissements pareils.

Et des jours et des nuits passèrent sans qu’ils cessassent de hurler l’un et l’autre. L’un tournait sans cesse autour de la maison et fouillait la muraille de ses ongles avec tant de force qu’il semblait vouloir la démolir ; l’autre, au dedans, suivait tous ses mouvements, courbé, l’oreille collée contre la pierre, et il répondait à tous ses appels par d’épouvantables cris.