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LE VAGABOND

Et il retourna s’asseoir sur son fossé.

Au bout d’un quart d’heure, en effet, deux gendarmes apparurent sur la route. Ils marchaient lentement, côte à côte, bien en vue, brillants au soleil avec leurs chapeaux cirés, leurs buffleteries jaunes et leurs boutons de métal, comme pour effrayer les malfaiteurs et les mettre en fuite de loin, de très loin.

Le charpentier comprit bien qu’ils venaient pour lui ; mais il ne remua pas, saisi soudain d’une envie sourde de les braver, d’être pris par eux, et de se venger, plus tard.

Ils approchaient sans paraître l’avoir vu, allant de leur pas militaire, lourd et balancé comme la marche des oies. Puis, tout à coup, en passant devant lui, ils eurent l’air de le découvrir, s’arrêtèrent et se mirent à le dévisager d’un œil menaçant et furieux.

Et le brigadier s’avança en demandant :

— Qu’est-ce que vous faites ici ?

L’homme répliqua tranquillement :

— Je me repose.

— D’où venez-vous ?

— S’il fallait vous dire tous les pays où j’ai passé, j’en aurais pour plus d’une heure.

― Où allez-vous ?

— À Ville-Avaray.

— Où c’est-il ça ?

— Dans la Manche.