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le vagabond

min, il fuit à travers champs vers un bois qu’il apercevait.

Il se sentait alerte, fort, joyeux, content de ce qu’il avait fait et tellement souple qu’il sautait les clôtures des champs, à pieds joints, d’un seul bond.

Dès qu’il fut sous les arbres, il tira de nouveau la bouteille de sa poche, et se remit à boire, par grandes lampées, tout en marchant. Alors ses idées se brouillèrent, ses yeux devinrent troubles, ses jambes élastiques comme des ressorts.

Il chantait la vieille chanson populaire :

Ah ! qu’il fait donc bon
Qu’il fait donc bon
Cueillir la fraise.

Il marchait maintenant sur une mousse épaisse, humide et fraîche, et ce tapis doux sous les pieds lui donna des envies folles de faire la culbute, comme un enfant.

Il prit son élan, cabriola, se releva, recommença Et, entre chaque pirouette, il se remettait à chanter :

Ah ! qu’il fait donc bon
Qu’il fait donc bon
Cueillir la fraise.

Tout à coup, il se trouva au bord d’un chemin creux et il aperçut, dans le fond, une grande fille,