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LE HORLA

mesquin, misérable ! avarement donné, sèchement inventé, lourdement fait ! Ah ! l’éléphant, l’hippopotame, que de grâce ! Le chameau que d’élégance !

Mais direz-vous, le papillon ! une fleur qui vole ! J’en rêve un qui serait grand comme cent univers, avec des ailes dont je ne puis même expérimenter la forme, la beauté, la couleur et le mouvement. Mais je le vois… il va d’étoile en étoile, les rafraîchissant et les embaumant au souffle harmonieux et léger de sa course !… Et les peuples de là-haut le regardent passer, extasiés et ravis !

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Qu’ai-je donc ? C’est lui, lui, le Horla, qui me hante, qui me fait penser ces folies ! Il est en moi, il devient mon âme ; je le tuerai !

19 août — Je le tuerai. Je l’ai vu ! j’e me suis assis hier soir, à ma table ; et je fis semblant d’écrire avec une grande attention. Je savais bien qu’il viendrait rôder autour de moi, tout près, si près que je pourrais peut-être le toucher, le saisir ? Et alors !… alors, j’aurais la forme des désespérés ; j’aurais mes mains, mes genoux, ma poitrine, mon front, mes dents pour l’étrangler, l’écraser, le mordre, le déchirer.

Et je le guettais avec tous mes organes surexcités.


J’avais allumé mes deux lampes et les huit