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sauvée

― De mon mari, ma chère, sauvée ! Délivrée ! libre ! libre ! libre !

— Comment libre ? En quoi ?

— En quoi ! Le divorce ! Oui, le divorce ! Je tiens le divorce !

— Tu es divorcée ?

— Non, pas encore, que tu es sotte ! On ne divorce pas en trois heures ! Mais j’ai des preuves… des preuves… des preuves qu’il me trompe… un flagrant délit… songe !… un flagrant délit… je le tiens…

— Oh, dis-moi ça ! Alors il te trompait ?

— Oui… c’est-à-dire non… oui et non… je ne sais pas. Enfin, j’ai des preuves, c’est l’essentiel.

— Comment as-tu fait ?

— Comment j’ai fait ?… Voilà ! Oh ! j’ai été forte, rudement forte. Depuis trois mois il était devenu odieux, tout à fait odieux, brutal, grossier, despote, ignoble enfin. Je me suis dit : Ça ne peut pas durer, il me faut le divorce ! Mais comment ? Ça n’était pas facile. J’ai essayé de me faire battre par lui. Il n’a pas voulu. Il me contrariait du matin au soir, me forçait à sortir quand je ne voulais pas, à rester chez moi quand je désirais dîner en ville ; il me rendait la vie insupportable d’un bout à l’autre de la semaine, mais il ne me battait pas.

« Alors, j’ai tâché de savoir s’il avait une maîtresse. Oui, il en avait une, mais il prenait mille