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LE PÈRE MILON

salive, avec un effort visible, comme si sa gorge eût été tout à fait étranglée.

La famille du bonhomme, son fils Jean, sa bru et deux petits enfants se tenaient à dix pas en arrière, effarés et consternés.

Le colonel reprit :

— Savez-vous aussi qui a tué tous les éclaireurs de notre armée qu’on retrouve chaque matin, par la campagne, depuis un mois ?

Le vieux répondit avec la même impassibilité de brute :

— C’est mé.

— C’est vous qui les avez tués tous ?

— Tretous, oui, c’est mé.

— Vous seul ?

— Mé seul.

— Dites-moi comment vous vous y preniez.

Cette fois l’homme parut ému ; la nécessité de parler longtemps le gênait visiblement. Il balbutia :

— Je sais-ti, mé ? J’ai fait ça comme ça s’trouvait.

Le colonel reprit :

— Je vous préviens qu’il faudra que vous me