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CRI D’ALARME

petit bruit de l’appareil électrique qui les couvre de mots inconnus.

De temps en temps elle me demandait :

— Est-ce que je suis grise ?

— Non, pas encore.

Et elle buvait de nouveau.

Elle le fut bientôt. Non pas grise à perdre le sens, mais grise à dire la vérité, à ce qu’il me sembla.

Aux confidences sur ses émotions de jeune fille succédèrent des confidences plus intimes sur son mari. Elle me les fit complètes, gênantes à savoir, sous ce prétexte, cent fois répété : « Je peux bien te dire tout, à toi… À qui est-ce que je dirais tout, si ce n’est à toi. » Je sus donc toutes les habitudes, tous les défauts, toutes les manies et les goûts les plus secrets de son mari.

Et elle me demandait en réclamant une approbation : « Est-il bassin ?… dis-moi, est-il bassin ?… Crois-tu qu’il m’a rasée… hein ?… Aussi, la première fois que je t’ai vu, je me suis dit : « Tiens, il me plaît, celui-là, je le prendrai pour amant. » C’est alors que tu m’as fait la cour. »

Je dus lui montrer une tête bien drôle, car elle