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APRÈS

— Beaucoup, madame.

La vieille femme leva sur le prêtre ses yeux clairs.

— Et… votre solitude ne vous a jamais trop pesé ?

— Si, quelquefois.

Il se tut, hésita, puis reprit : « Mais je n’étais pas né pour la vie ordinaire. »

— Qu’est-ce que vous en savez ?

— Oh ! je le sais bien. J’étais fait pour être prêtre, j’ai suivi ma voie.

La comtesse le regardait toujours :

— Voyons, monsieur le curé, dites-moi ça, dites-moi comment vous vous êtes décidé à renoncer à tout ce qui nous fait aimer la vie, nous autres, à tout ce qui nous console et nous soutient. Qui est-ce qui vous a poussé, déterminé à vous écarter du grand chemin naturel, du mariage et de la famille ? Vous n’êtes ni un exalté, ni un fanatique, ni un sombre, ni un triste. Est-ce un événement, un chagrin, qui vous a décidé à prononcer des vœux éternels ?

L’abbé Mauduit se leva et se rapprocha du feu, puis tendit aux flammes ses gros souliers de