Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
VIEUX OBJETS

aventures ; dont personne ne se rappelle même les propriétaires. Personne n’a vu les mains qui les ont maniées, ni les yeux qui les ont regardées. Elles me font songer longtemps, celles-là ! Elles me représentent des abandonnées dont les derniers amis sont morts.

Toi, ma chère Colette, tu ne dois guère comprendre tout cela, et tu vas sourire de mes niaiseries, de mes enfantines et sentimentales manies. Tu es une Parisienne, et vous autres Parisiens, vous ne connaissez point cette vie en dedans, ces rabâchages de son propre cœur. Vous vivez en dehors, avec toutes vos pensées au vent. Vivant seule, je ne puis te parler que de moi. En me répondant, parle-moi donc un peu de toi, que je puisse aussi me mettre à ta place, comme tu pourras demain te mettre à la mienne.

Mais tu ne comprendras jamais complètement le vers de M. Sainte-Beuve :

Naître, vivre et mourir dans la même maison !
Mille baisers, ma vieille amie.
Adélaïde[1].

  1. Voir Une Vie, pages 294, 295.