Page:Maupassant - Le Rosier de Madame Husson, OC, Conard, 1909.djvu/139

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Il mangea quelques cuillerées, puis repoussa son assiette. La mère demanda :

— C’est-i que t’es indispos ?

Il répondit :

— Non, c’est comme une bouillie que j’aurais dans l’vente et qui m’ôte la faim.

Il regardait les autres manger, tout en coupant de temps à autre une bouchée de pain qu’il portait lentement à ses lèvres et mastiquait longtemps. Il pensait à la Martine : « C’est tout de même une belle fille. » Et dire qu’il ne s’en était pas aperçu jusque-là, et que ça lui venait comme ça, tout d’un coup, et si fort qu’il n’en mangeait plus.

Il ne toucha guère au ragoût. Sa mère disait :

— Allons, Benoist, efforce té un p’tieu ; c’est d’la côte de mouton, ça te fera du bien. Quand on n’a point d’appétit, faut s’efforcer.

Il avalait quelque morceau, puis repoussait encore son assiette ; — non, ça ne se passait point, décidément.

Sur la relevée, il alla faire un tour aux terres et donna congé au goujat, promettant de remuer les bètes en passant.

La campagne était vide, vu le jour de repos. De place en place, dans un champ de