Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli, OC, Conard, 1909.djvu/295

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mais il nous manque une toute petite chose, le discernement des nuances dans la caresse, le flair subtil du TROP dans la manifestation de notre tendresse. Aux heures d’étreinte nous perdons le sentiment des finesses, tandis que l’homme que nous dominons reste maître de lui, demeure capable de juger le ridicule de certains mots, le manque de justesse de certains gestes.

Prends bien garde à cela, ma mignonne : c’est le défaut de notre cuirasse, c’est notre talon d’Achille.

Sais-tu d’où vient notre vraie puissance ? Du baiser, du seul baiser ! Quand nous savons tendre et abandonner nos lèvres, nous pouvons devenir des reines.

Le baiser n’est qu’une préface pourtant. Mais une préface charmante, plus délicieuse que l’œuvre elle-même, une préface qu’on relit sans cesse, tandis qu’on ne peut pas toujours… relire le livre.

Oui, la rencontre des bouches est la plus parfaite, la plus divine sensation qui soit donnée aux humains, la dernière, la suprême limite du bonheur.

C’est dans le baiser, dans le seul baiser qu’on croit parfois sentir cette impossible