Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/264

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baiser sans fin qui fait se fermer les yeux, qui anéantit toute pensée dans l’incommensurable bonheur de la possession prochaine !

Prenant à pleines mains ces vieux gages des tendresses lointaines, je les couvris de caresses furieuses et dans mon âme ravagée par les souvenirs, je revoyais chacune à l’heure de l’abandon, et je souffrais un supplice plus cruel que toutes les tortures imaginées par toutes les fables de l’enfer.

Une dernière lettre restait. Elle était de moi et dictée de cinquante ans auparavant par mon professeur d’écriture. La voici :

« Ma petite maman chérie,

« J’ai aujourd’hui sept ans. C’est l’âge de raison, j’en profite pour te remercier de m’avoir donné le jour.

« Ton petit garçon qui t’adore,

« ROBERT. »


C’était fini. J’arrivais à la source, et brusquement je me retournai pour envisager le reste de mes jours. Je vis la vieillesse hideuse et solitaire, et les infirmités prochaines et tout fini, fini, fini ! Et personne autour de moi !