Page:Maupassant - Les dimanches d'un bourgeois de Paris - Ollendorff, 1906.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
les dimanches d’un bourgeois de paris

d’employé du gouvernement imposait certaines réserves. Mais Octavie se tut, regardant de côté ses voisines, prise du désir immodéré qui hante toutes les filles de faire connaissance avec des femmes honnêtes. Au bout de cinq minutes, elle crut avoir trouvé un joint, et, tirant de sa poche le Gil-Blas, elle l’offrit poliment à l’une des dames, stupéfaite, qui refusa d’un signe de tête. Alors la grande rousse, blessée, lâcha des mots à double sens, parlant des femmes qui font leur poire, sans valoir mieux que les autres ; et, quelquefois même, elle jetait un gros mot qui faisait un effet de pétard ratant au milieu de la dignité glaciale des voyageurs.

Enfin on arriva. Patissot voulut tout de suite gagner les coins ombreux du parc, espérant que la mélancolie des bois apaiserait l’humeur irritée de sa compagne. Mais un autre effet se produisit. Aussitôt qu’elle fut dans les feuilles et qu’elle aperçut de l’herbe, elle se mit à chanter à tue-tête des morceaux d’opéra traînant dans sa mémoire de linotte, faisant des roulades, passant de Robert le Diable à la Muette, affection-