qui couvre la campagne au crépuscule se déployait lentement, et une poésie flottait, faite de cette sensation de fraîcheur particulière et charmante qui emplit le bois à l’approche de la nuit. La petite femme avait pris le bras de Patissot et elle continuait, de sa bouche rose, à cracher des reproches pour son mari, qui sans lui répondre, hurlait sans cesse : « tiiit », de plus en plus fort. Le gros employé, à la fin lui demanda : « Pourquoi criez-vous comme ça ? » L’autre, avec des larmes dans les yeux, lui répondit : « C’est mon pauvre chien que j’ai perdu. — Comment ! vous avez perdu votre chien ? — Oui, nous l’avions élevé à Paris ; il n’était jamais venu à la campagne, et, quand il a vu des feuilles, il fut tellement content, qu’il s’est mis à courir comme un fou. Il est entré dans le bois, et j’ai eu beau l’appeler, il n’est pas revenu. Il va mourir de faim là dedans… tiiit… » La femme haussait les épaules : « Quand on est aussi bête que toi, on n’a pas de chien ! » Mais il s’arrêta, se tâtant le corps fiévreusement. Elle le regardait : « Eh bien, quoi ! — Je n’ai pas fait attention que j’avais ma redin-
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