Page:Maupassant - Les masques, paru dans Gil Blas, 5 juin 1883.djvu/5

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on l’arrange, on le pare, on l’accommode à sa façon et on le sert dans un livre à sensation.

L’homme de lettres a-t-il ou n’a-t-il pas le droit, le droit moral, de faire cela ?



Tout bien considéré, il n’y a là qu’une question de nuances et de délicatesse.

La vie humaine, toute la vie qui nous passe sous les yeux nous appartient comme romanciers, mais non comme moralistes, comme policiers. Je m’explique. J’entends par là qu’en aucun cas nous n’avons le droit de paraître désigner quelqu’un, même si nous prenons dans son existence un fait qui intéresse notre art. Toute personne doit être respectée de telle sorte qu’on ne puisse jamais dire : « Tiens, il a dépeint M. Un tel », même si on reconnaît un épisode de l’histoire de cet individu, si on dit : « Ce qu’il a raconté là est arrivé à M. Un tel. »

La vie nous appartient en effaçant les noms, en changeant les visages, si bien