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LA BUCHE

telle façon qu’elle nous grillait la figure. La jeune femme releva sur moi ses yeux, des yeux qui me parurent étranges. « Il fait trop chaud, maintenant, dit-elle ; allons donc là-bas, sur le canapé ».

Et nous voilà partis sur le canapé.

Puis tout à coup, me regardant bien en face : « Qu’est-ce que vous feriez si une femme vous disait qu’elle vous aime ? »

Je répondis, fort interloqué : « Ma foi, le cas n’est pas prévu, et puis, ça dépendrait de la femme ».

Alors, elle se mit à rire, d’un rire sec, nerveux, frémissant, un de ces rires faux qui semblent devoir casser les verres fins, et elle ajouta :

« Les hommes ne sont jamais audacieux ni malins. » Elle se tut, puis reprit :

« Avez-vous quelquefois été amoureux, monsieur Paul ? »

Je l’avouai ; oui, j’avais été amoureux.

« Racontez-moi ça », dit-elle.

Je lui racontai une histoire quelconque. Elle m’écoutait attentivement, avec des marques fréquentes d’improbation et de mépris ; et soudain : « Non, vous n’y entendez rien. Pour que l’amour fût bon, il faudrait, il me semble, qu’il bouleversât le cœur, tordît les