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LA RELIQUE

J’ai recours à toi, mon vieux camarade, dans l’embarras où je me trouve ; car tu peux me tirer d’affaire. Je t’en serai reconnaissant jusqu’à la mort.

Tu connais Gilberte, ou plutôt tu crois la connaître ; mais connaît-on jamais les femmes ? Toutes leurs opinions, leurs croyances, leurs idées sont à surprises. Tout cela est plein de détours, de retours, d’imprévu, de raisonnements insaisissables, de logique à rebours, d’entêtements qui semblent définitifs et qui cèdent parce qu’un petit oiseau est venu se poser sur le bord d’une fenêtre.

Je n’ai pas à t’apprendre que ta cousine est religieuse à l’extrême, élevée par les Dames blanches ou noires de Nancy.

Cela, tu le sais mieux que moi. Ce que tu ignores, sans doute, c’est qu’elle est exaltée en tout comme en dévotion. Sa tête s’envole à la façon d’une feuille cabriolant dans le vent ; et elle est femme, ou plutôt jeune fille, plus qu’aucune autre, tout de suite attendrie ou fâchée, partant au galop pour l’affection comme pour la haine, et revenant de la même façon ; et jolie… comme tu sais ; et charmeuse plus qu’on ne peut dire… et comme tu ne sauras jamais.