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LE LIT

quelques lettres tombèrent à mes pieds. Elles étaient jaunies ; et l’encre effacée semblait de la rouille. Une main fine avait tracé sur une face de la feuille pliée à la mode ancienne : « À monsieur, monsieur l’abbé d’Argencé ».

Les trois premières lettres fixaient simplement des rendez-vous. Et voici la quatrième :

« Mon ami, je suis malade, toute souffrante, et je ne quitte pas mon lit. La pluie bat mes vitres, et je reste chaudement, mollement rêveuse, dans la tiédeur des duvets. J’ai un livre, un livre que j’aime et qui me semble fait avec un peu de moi. Vous dirai-je lequel ? Non. Vous me gronderiez. Puis, quand j’ai lu, je songe, et je veux vous dire à quoi.

« On a mis derrière ma tête des oreillers qui me tiennent assise, et je vous écris sur ce mignon pupitre que j’ai reçu de vous.

« Étant depuis trois jours en mon lit, c’est à mon lit que je pense, et même dans le sommeil j’y médite encore.

« Le lit, mon ami, c’est toute notre vie. C’est là qu’on naît, c’est là qu’on aime, c’est là qu’on meurt.

« Si j’avais la plume de M. de Crébillon, j’écrirais