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réveil

revenir en plein hiver, de s’exposer à ce brusque dépaysement, aux brumes glaciales de la vallée.

Elle fut attérée et indignée contre cet homme confiant, qui ne comprenait pas, qui ne devinait pas les luttes de son cœur.

Février était clair et doux, et bien qu’elle évitât maintenant de se trouver longtemps seule avec « Mouton Fidèle », elle acceptait parfois de faire en voiture, avec lui, une promenade autour du lac, au crépuscule.

On eût dit ce soir-là que toutes les sèves s’éveillaient, tant les souffles de l’air étaient tièdes. Le petit coupé allait au pas ; la nuit tombait ; ils se tenaient les mains, serrés l’un contre l’autre. Elle se disait : « C’est fini, c’est fini, je suis perdue », sentant en elle un soulèvement de désirs, l’impérieux besoin de cette suprême étreinte qu’elle avait ressentie si complète en un rêve. Leurs bouches à tout instant se cherchaient, s’attachaient l’une à l’autre, et se repoussaient pour se retrouver aussitôt.

Il n’osa pas la reconduire chez elle, et la laissa sur sa porte, affolée et défaillante.

M. Paul Péronel l’attendait dans le petit salon sans lumière.

En lui touchant la main, il sentit qu’une fièvre la