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à cheval

Il attendit trois jours, puis il revint. La vieille femme, le teint clair, l’œil limpide, se mit à geindre en l’apercevant.

« Je n’peux pu r’muer, mon pauv’monsieur ; je n’peux pu. J’en ai pour jusqu’à la fin de mes jours. »

Un frisson courut dans les os d’Hector. Il demanda le médecin. Le médecin leva les bras :

« Que voulez-vous, monsieur, je ne sais pas, moi. Elle hurle quand on essaye de la soulever. On ne peut même changer de place son fauteuil sans lui faire pousser des cris déchirants. Je dois croire ce qu’elle me dit, monsieur ; je ne suis pas dedans. Tant que je ne l’aurai pas vue marcher, je n’ai pas le droit de supposer un mensonge de sa part. »

La vieille écoutait, immobile, l’œil sournois.

Huit jours se passèrent ; puis quinze, puis un mois. Mme Simon ne quittait pas son fauteuil. Elle mangeait du matin au soir, engraissait, causait gaiement avec les autres malades, semblait accoutumée à l’immobilité comme si c’eût été le repos bien gagné par ses cinquante ans d’escaliers montés et descendus, de matelas retournés, de charbon porté d’étage en étage, de coups de balai et de coups de brosse.