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un reveillon

jours pas, et demeuraient face à face, les yeux baissés, avec cette tête de bois des gens mécontents, qui semble dire : « Allez-vous en », mon cousin parla avec autorité : « Allons, Anthime, levez-vous, et conduisez-nous dans sa chambre ». Mais l’homme, ayant pris son parti, répondit d’un air renfrogné : « C’est pas la peine, il n’y est pu, monsieur.

— Mais alors, où donc est-il ? »

La femme coupa la parole à son mari :

« J’vas vous dire : J’l’avons mis jusqu’à d’main dans la huche, parce que j’avions point d’place. »

Et, retirant l’assiette au boudin, elle leva le couvercle de leur table, se pencha avec la chandelle pour éclairer l’intérieur du grand coffre béant au fond duquel nous aperçûmes quelque chose de gris, une sorte de long paquet d’où sortait, par un bout, une tête maigre avec des cheveux blancs ébouriffés, et, par l’autre bout, deux pieds nus.

C’était le vieux, tout sec, les yeux clos, roulé dans son manteau de berger, et dormant là son dernier sommeil, au milieu d’antiques et noires croûtes de pain, aussi séculaires que lui.

Ses enfants avaient réveillonné dessus !

Jules, indigné, tremblant de colère, cria : « Pour-