Page:Maupassant - Mademoiselle Fifi, Ollendorff, 1902.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
mots d’amour

baisers qui font se fermer les yeux, comme s’il pouvait s’en échapper par le regard, comme pour les conserver plus entiers dans l’âme enténébrée qu’ils ravagent. Puis, quand nous séparions nos lèvres, tu me disais en riant d’un rire clair : « C’est bon, mon gros chien ! » Alors je t’aurais battue.

Car tu m’as donné successivement tous les noms d’animaux et de légumes que tu as trouvés sans doute dans la Cuisinière bourgeoise, le Parfait jardinier et les Éléments d’histoire naturelle à l’usage des classes inférieures. Mais cela n’est rien encore.

La caresse d’amour est brutale, bestiale, et plus, quand on y songe. Musset a dit :

Je me souviens encor de ces spasmes terribles,
De ces baisers muets, de ces muscles ardents,
De cet être absorbé, blême et serrant les dents.
S’ils ne sont pas divins, ces moments sont horribles

ou grotesques !… Oh ! ma pauvre enfant, quel génie farceur, quel esprit pervers, te pouvait donc souffler tes mots… de la fin ?

Je les ai collectionnés, mais, par amour pour toi, je ne les montrerai pas.

Et puis tu manquais vraiment d’à-propos, et tu