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une aventure parisienne

teur, un nom célèbre, sonnait comme un appel de clairon. Les autres clients, des jeunes femmes, des messieurs élégants, contemplaient, d’un coup d’œil furtif et rapide, d’un coup d’œil comme il faut et manifestement respectueux, l’écrivain renommé qui, lui, regardait passionnément le magot de porcelaine. Ils étaient aussi laids l’un que l’autre, laids comme deux frères sortis du même flanc.

Le marchand disait : « Pour vous, monsieur Jean Varin, je le laisserai à mille francs ; c’est juste ce qu’il me coûte. Pour tout le monde ce serait quinze cents francs ; mais je tiens à ma clientèle d’artistes et je lui fais des prix spéciaux. Ils viennent tous chez moi, monsieur Jean Varin. Hier, M. Busnach m’achetait une grande coupe ancienne. J’ai vendu l’autre jour deux flambeaux comme ça (sont-ils beaux, dites ?) à M. Alexandre Dumas. Tenez, cette pièce que vous tenez-là, si M. Zola la voyait, elle serait vendue, monsieur Varin ».

L’écrivain très perplexe hésitait, sollicité par l’objet, mais songeant à la somme, et il ne s’occupait pas plus des regards que s’il eût été seul dans un désert.

Elle était entrée tremblante, l’œil fixé effrontément sur lui, et elle ne se demandait même pas s’il était