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deux amis

loin, lui dit à voix basse : « Vite, ce mot d’ordre ? Votre camarade ne saura rien, j’aurai l’air de m’attendrir ».

Morissot ne répondit rien.

Le Prussien entraîna alors M. Sauvage et lui posa la même question.

M. Sauvage ne répondit pas.

Ils se retrouvèrent côte à côte.

Et l’officier se mit à commander. Les soldats élevèrent leurs armes.

Alors le regard de Morissot tomba par hasard sur le filet plein de goujons, resté dans l’herbe, à quelques pas de lui.

Un rayon de soleil faisait briller le tas de poissons qui s’agitaient encore. Et une défaillance l’envahit. Malgré ses efforts, ses yeux s’emplirent de larmes.

Il balbutia « Adieu, monsieur Sauvage ».

M. Sauvage répondit : « Adieu, monsieur Morissot ».

Ils se serrèrent la main, secoués des pieds à la tête par d’invincibles tremblements.

L’officier cria : Feu !

Les douze coups n’en firent qu’un.

M. Sauvage tomba d’un bloc sur le nez. Morissot,