Alors le lieutenant Otto, espèce d’ours de la Forêt Noire, se dressa, enflammé, saturé de boissons. Et envahi brusquement de patriotisme alcoolique, il cria : « À nos victoires sur la France ! »
Toutes grises qu’elles étaient, les femmes se turent ; et Rachel, frissonnante, se retourna : « Tu sais, j’en connais des Français, devant qui tu ne dirais pas ça ».
Mais le petit marquis, la tenant toujours sur ses genoux, se mit à rire, rendu très gai par le vin : « Ah ! ah ! ah ! je n’en ai jamais vu, moi. Sitôt que nous paraissons, ils foutent le camp ! »
La fille, exaspérée, lui cria dans la figure : « Tu mens salop ! »
Durant une seconde, il fixa sur elle ses yeux clairs, comme il les fixait sur les tableaux dont il crevait la toile à coups de revolver, puis il se mit à rire : « Ah ! oui, parlons-en, la belle ! serions-nous ici, s’ils étaient braves ! » Et il s’animait : « Nous sommes leurs maîtres ! à nous la France ! »
Elle quitta ses genoux d’une secousse et retomba sur sa chaise. Il se leva, tendit son verre jusqu’au milieu de la table et répéta : « À nous la France et les Français, les bois, les champs et les maisons de France ! »