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LA ROUILLE

Dans cette maison il était choyé, aimé, dorloté, et il disait : « Si je n’étais pas chasseur, je voudrais ne point vous quitter ». M. de Courville était son ami et son camarade depuis l’enfance. Gentilhomme agriculteur, il vivait tranquille avec sa femme, sa fille et son gendre, M. de Darnetot, qui ne faisait rien, sous prétexte d’études historiques.

Le baron de Coutelier allait souvent dîner chez ses amis, surtout pour leur raconter ses coups de fusil. Il avait de longues histoires de chiens et de furets dont il parlait comme de personnages marquants qu’il aurait beaucoup connus. Il dévoilait leurs pensées, leurs intentions, les analysait, les expliquait : « Quand Médor a vu que le râle le faisait courir ainsi, il s’est dit : « Attends, mon gaillard, nous allons rire ». Alors, en me faisant signe de la tête d’aller me placer au coin du champ de trèfle, il s’est mis à quêter de biais, à grand bruit, en remuant les herbes pour pousser le gibier dans l’angle où il ne pourrait plus s’échapper. Tout est arrivé comme il l’avait prévu ; le râle, tout d’un coup, s’est trouvé sur la lisière. Impossible d’aller plus loin sans se découvrir. Il s’est dit : « Pincé, nom d’un chien ! » et s’est tapi. Médor alors tomba en arrêt en me regardant ; je lui fais un