Page:Maupassant - Maison d’artiste, paru dans Le Gaulois, 12 mars 1881.djvu/3

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Car Goncourt est né bibelotier. Il l’est plus que personne ; c’est évidemment là son vice, ce vice aimé, ruineux, rongeur, que chacun porte en soi.

Il l’est tellement, qu’il a bibeloté toute sa vie dans l’histoire, comme il bibelote dans les magasins. Les deux frères avaient cette passion. À peine un de leurs romans était-il fini, que tous deux repartaient vers ce dix-huitième siècle qu’ils ont tant aimé ; ils le parcouraient en commissaires-priseurs, furetaient dans ses coins, laissant aux professeurs le soin des événements et des dates, mais reconstituant les mœurs par tous les menus détails de la vie, faisant de l’histoire en romanciers, avec des éventails, des cartes de dîner, des jarretières, des dentelles, des boucles de souliers et des tabatières, de l’histoire vraie et vivante. En même temps ils poursuivaient, à travers les ventes et les boutiques poudreuses, tous ces bibelots anciens, alors peu estimés, et les tableaux, les dessins, les gravures des maîtres, et les livres, les éditions rares, uniques, et tout ce que le hasard des visites aux brocanteurs et une infatigable patience faisaient tomber sous leurs mains.